Les tendances fintech 2019

Sep 19, 2018 | Parutions

Article publié initialement dans Fintech Mag, par Laura Pironnet

Comme tous secteurs fleurissant, la Fintech fait partie de ceux qui sont scrutés à la loupe : on surveille encore de près les investissements, les nouveaux arrivants et leaders du marché, les usages réels et réactions de l’écosystème. Sans compter la réglementation française et européenne qui peut largement influencer certains business.

Difficile de dresser un bilan et d’énoncer des vérités à la rentrée 2018 : les études menées par les cabinets et associations s’accordent toutefois à dire que le secteur s’est imposé depuis quelques années. L’’association France Fintech est au premier rang pour observer les tendances de la Fintech : nous avons rencontré Alain Clot, Président de France Fintech qui nous a livré son précieux regard.

POUVEZ-VOUS NOUS PARTAGER LES DERNIÈRES ACTUALITÉS DE FRANCE FINTECH ?

La saison s’est achevée à un rythme très soutenu et la rentrée est du même acabit. Nos activités s’organisent principalement autour de nos trois grandes missions :

Tout d’abord faire la promotion de la fintech française en France et à l’étranger  avec un grand nombre de prises de parole, d’interviews, de conférences, d’interventions dans les universités et grandes écoles.

Ensuite porter la voix des entrepreneurs et représenter le secteur auprès des parties prenantes de l’écosystème de la fintech : régulateurs, gouvernement, parlementaires, Commission européenne, etc. Nos sujets « chauds » sont notamment la deuxième directive européenne sur les paiements, DSP2, RGPD, la Loi Pacte, le suivi du projet de règlement européen du crowdfunding, le Plan Fintech et bien sur les conséquences du Brexit et le renforcement de la Place de Paris (en bonne voie d’ailleurs).

Enfin, animer l’écosystème en suscitant des opportunités de rencontre, d’échange et de collaborations entre start-ups membres, grands groupes partenaires mais aussi avec la recherche, etc. Mentionnons à cet égard l’organisation de nombreux événements publics ou informels (petit-déjeuners, meet-up …) et la conception de diverses publications et contenus (panorama des fintechs françaises publié annuellement, livres blancs et études sur l’état des lieux de l’écosystème – à noter prochainement la sortie de Booming of fintech dans le cadre de la troisième action du réseau thématique #fintech de la FrenchTech).

Mais aussi la préparation de FinTech R:Evolution, notre grand événement annuel. La 3ème édition en avril dernier portait sur le thème « Data Liberation » et sommes déjà en train de travailler sur la prochaine. L’événement aura lieu le 9 avril 2019 à Station F, prenez date !

Enfin un programme de rencontres à l’occasion du FinTech Tour en région, que nous organisons d’ailleurs avec le Pôle Finance Innovation en tant que membres du réseau thématique Fintech de la FrenchTech. A noter, les prochaines étapes se dérouleront, à Nantes le 18 septembre, Marseille le 4 octobre et Bordeaux le 10 octobre.

Fintech R:Evolution, édition 2018

QUELLES ONT ÉTÉ LES GRANDES AVANCÉES PERÇUES DANS LE SECTEUR DE LA FINTECH EN 2018 ?

Nos entreprises disposent désormais des ressources nécessaires à leur développement (financements, cadre réglementaire, écosystème performant, ressources humaines de classe mondiale notamment). L’heure est donc à l’accélération, à l’obtention d’une taille critique et à la viabilisation des modèles. Une très large partie de nos membres a franchi la frontière, tirant parti du Passeport réglementaire européen, qui est un avantage décisif.

A noter, les levées de fonds visent très souvent à financer l’accélération et l’internationalisation. Ainsi, 52% des FinTech françaises développent des activités à l’étranger (EU & International). 70% de nos membres visent une implantation étrangère à horizon 2019.

Par ailleurs, les dossiers réglementaires et législatifs mentionnés plus haut, notamment DSP2 nous ont fortement mobilisés, avec de belles avancées à la clé. Nous avons rencontré de la part des services de l’Etat et des parlementaires une véritable écoute et l’expression d’une ambition de place très encourageante.

 

QUE PRESSENTEZ-VOUS COMME GRANDES TENDANCES FINTECH EN 2019 ?

Tout d’abord le marché se consolide sur certaines des grandes verticales. Nous assistons à l’émergence de champions (Lendix, Younited Credit, Ledger, Lydia, etc.).

Mais au delà de l’effet de taille, des changements de nature profonds apparaissent.

Nos Fintech deviennent plus « horizontales ». Elles proposent désormais des modèles plus complets de plateforme de services, avec une composante technologique plus marquée (Intelligence Artificielle, BlockChain, Internet des Objet), une utilisation performante des sciences de la donnée :  le carburant de l’économie numérique. Et ce n’est que le début, car le potentiel de ces technologies est immense, la réglementation rend au client la propriété de ses données et celui-ci réclame plus de services performants et appropriés.

Enfin, les Fintech contribuent à internationaliser les services financiers. Jusqu’à présent, les banques étaient internationales mais les prestations purement locales, du fait de paramètres tels que la fiscalité, les usages. Une approche « multi-locale » donc, sans véritables économies d’échelles. Tout cela change, avec une nouvelle normalisation des usages (paiement, crowdfunding, etc). Les Fintech sont par essence internationales.

 

QUELLES SONT LES RELATIONS ENTRE LES BANQUES ET LES STARTUPS FINTECH EN FRANCE. N’ONT-ELLES PAS COMME CONCURRENTS COMMUNS LES GAFA ?

Les relations entre les banques et les Fintech, à l’issue d’une phase d’observation, sont maintenant à un stade de maturité sereine.

Nos membres sont, pour les uns, concurrents des grands établissements, pour les autres partenaires, clients ou fournisseurs. Ils sont aussi souvent tout cela à la fois et c’est très bien ainsi. Les uns ont souvent besoin des autres. Les banques pour accéder à la culture start-up, pour innover mieux et plus vite, pour développer de nouveaux parcours et usages. Les start-ups pour les accords de distribution, l’accès à certaines ressources (incubation, plateformes, etc). Certaines franchissent même le pas et se marient : Nickel acquis par BNP Paribas, Pumpkin et Leetchi par Arkéa, KissKissBankBank par La Banque Postale, le Pot CommunDaleynis et PayPlug par le Groupe BPCE, Lumo par la Société Générale pour citer les derniers.

Les investissements et POC se multiplient : 82% des établissements financiers traditionnels prévoient de renforcer leurs partenariats avec les Fintech d’ici 5 ans. – Source : étude KPMG, avril 2017

Ex: investissement de 20 M€ de Crédit Agricole et de crédit Mutuel Arkéa (et MAIF) dans Linxo (agrégateur), partenariat BNP et Paytweak (paiement) pour accompagner la digitalisation des commerçants en France.

N’en concluons pas pour autant, comme on l’entend parfois que le destin et l’ambition des FinTech seraient d’être acquises par des banques (ou des assureurs). La période que nous venons de traverser se caractérisait par une volonté des acteurs traditionnels de rattraper un certain retard en matière d’innovation numérique, qui faisait écho à une phase de financement difficile pour les start-ups, situation qui, comme on l’a dit, a beaucoup évoluée. Nous verrons encore des acquisitions se réaliser mais vraisemblablement à un rythme moins soutenu, d’autant que les banques sont désormais bien « équipées » dans les grandes familles d’usage (paiement, robo, agrégation, etc.). Je connais d’ailleurs des fondateurs qui ont refusé des offres très alléchantes… J’ajoute enfin que banquiers et assureurs ne sont dorénavant plus seuls dans le jeu, dans lequel s’engouffre les opérateurs de télécom, les grands distributeurs, les groupes de technologie et en enfin les GAFAM et autres BATX, toutes entités faisant déjà les « yeux doux » à nos pépites…

Il ne fait aucun doute pour moi que les GAFA et autres grands acteurs numériques vont accélérer leur implication dans les services financiers, qui est déjà très significative (ex Alibaba 10ème banque du monde ou les accords signés par Apple avec quatre grandes banques françaises).

J’en vois deux raisons essentielles : défensives tout d’abord car laisser le client – utilisateur payer, ou se financer chez un concurrent fait encourir le risque de le perdre. Offensive ensuite car les GAFA détiennent un des avantages stratégiques clés de cette industrie, un coût d’acquisition du client très faible grâce à leurs données et trafic (dans le même temps les banques voient leur coût d’acquisition croître). De surcroît, les services financiers sont un vecteur extraordinaire pour acquérir de la donnée de qualité et, ce, dans la durée.

Il va donc falloir se préparer à cette concurrence redoutable.

Cette concurrence a, cela dit, elle aussi ses contraintes et ses défis : le renchérissement inévitable et souhaitable du coût de la donnée, aujourd’hui acquise gratuitement, les craintes du consommateur face à la mainmise des grands acteurs sur leur vie, le risque d’une législation anti-trust et enfin l’apprentissage du métier financier, qui est et restera un métier compliqué, basé sur l’expérience.

La bataille ne fait que commencer et le défi est exaltant. Nos Fintech et plus globalement notre pays détiennent des atouts significatifs pour la mener.

 

LES FINANCEMENTS SEMBLENT RÉUSSIR À BEAUCOUP DE FINTECH, QUI ONT RÉCEMMENT FAIT DE BELLES LEVÉES (ALAN, LEDGER, LENDIX…) MAIS PAS DE RÉELLES LICORNES : LA FAUTE À LA FRANCE ? QUE MANQUE T IL POUR “CRÉER DES CHAMPIONS” ?

En effet pour la troisième année consécutive, les levées connaissent une forte croissance:

  • 2017 : 318 M€ levés en France à travers 64 deals (Soit une augmentation de +84% des montants et de 60% du ticket moyen par rapport à 2016) – Source : KPMG 2017
  • 2018 : + 200 M€ levés rien qu’au premier semestre – Source : France FinTech 2018 – soit 10% des levées des françaises enregistrées – Source : Baromètre EY 2018 –, avec un ticket moyen supérieur à la moyenne nationale et beaucoup d’opérations sont en cours ! Cette année devrait être un grand cru !
France Fintech Focus 2018
Les levées de fonds des Fintech françaises en 2018

Un nombre significatif de nos membres se valorisent désormais plusieurs centaines de millions, avec cinq ou six fintech atteignant des niveaux très comparables à leurs grands concurrents anglo-saxons notamment.

Il est hautement probable que nous aurons nos premières licornes dans quelques années. Rappelons que, faute jusqu’à récemment d’un environnement favorable (financement en capital risque, régulateur appétant à l’innovation, émergence d’une demande pour la finance alternative), nous avons entamé notre décollage plus tard que Londres ou les Etats-Unis. Désormais les ressources sont présentes et nos champions sont très performants. Le dernier classement Fintech 100 2017 de KPMG nous donne même 1 Fintech dans les “Leading 50”  et 5 dans «Emerging 50 » mondiaux soit 2 fois plus qu’en 2016 et 6% d’occupation du classement. L’optimisme est donc permis !

 

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