đ AgrĂ©ments bancaires, le graal des Fintechs ?

par Geoffroy Guigou, co-founder et COO de Younited Credit, membre du comité directeur de France FinTech
Le 10 Avril 2018, Ă Station F, France Fintech rassemblera les principaux acteurs de la Fintech : rĂ©gulateurs, entrepreneurs, investisseurs. Câest lâoccasion unique dâĂ©couter et dâĂ©changer avec celles et ceux qui seront partie prenante de la rĂ©volution qui touche lâindustrie financiĂšre depuis 5 ans.
Les Fintechs connaissent une croissance fulgurante et sont courtisĂ©es par les investisseurs : dâaprĂšs KPMG, en 2017, 31 Milliards de $ ont Ă©tĂ© investis dans ces sociĂ©tĂ©s qui rĂ©volutionnent lâindustrie bancaire. Ces moyens financiers renforcĂ©s augmentent lâambition de ces nouveaux entrants, qui sont de plus en plus nombreux Ă demander leur propre agrĂ©ment bancaire. Obtenir une licence bancaire ou dâĂ©tablissement de crĂ©dit est-il le nouveau graal des Fintechs ?
Une banque est une catĂ©gorie dâEtablissement de crĂ©dit (et pas lâinverse !)
LâagrĂ©ment dâEtablissement de crĂ©dit est certes le plus complexe Ă obtenir, en raison notamment des fonds propres rĂ©glementaires minimaux (5 MillionsâŹ) quâil requiert. Il est nĂ©anmoins nĂ©cessaire pour tout acteur qui souhaite collecter de lâĂ©pargne auprĂšs du grand public et octroyer des crĂ©dits Ă des particuliers. Chose parfois mĂ©connue : lâagrĂ©ment de Banque nâest quâune sous-catĂ©gorie dâEtablissement de crĂ©dit, celle qui regroupe les acteurs ayant demandĂ© lâautorisation pour effectuer la totalitĂ© des opĂ©rations de banque (y compris la tenue de compte courant, lâĂ©mission de moyens de paiement etc.). En revanche, lâagrĂ©ment dâEtablissement de crĂ©dit nâest pas nĂ©cessaire Ă la plupart des Fintechs, dont un grand nombre peuvent rĂ©aliser leurs activitĂ©s avec des agrĂ©ments plus lĂ©gers, qui requiĂšrent des fonds propres rĂ©glementaires moins importants : câest le cas des Ă©tablissements de paiement, ou des Ă©metteurs de monnaie Ă©lectronique. Il est mĂȘme possible dâoctroyer des prĂȘts Ă des entreprises en utilisant les dispositions rĂ©glementaires assouplies suite aux Ă©volutions lĂ©gislatives concernant le crowdfunding, qui ont créé les statuts dâIntermĂ©diaire en Financement Participatif (IFP) et de Conseiller en Investissement Participatif (CIP).
Pourquoi cette course effrénée aux agréments parmi les Fintechs mondiales ?
Pourquoi observe-t-on alors de nombreuses Fintechs, dont lâactivitĂ© principale nâest pas la rĂ©ception de fonds du public ni lâoctroi de crĂ©dits Ă des particuliers, demander lâagrĂ©ment dâEtablissement de crĂ©dit dont elles nâont, en apparence, pas besoin ? De la mĂȘme maniĂšre, pourquoi voit-on certaines plateformes de crĂ©dits aux particuliers actives dans des pays comme le Royaume-Uni ou les Etats-Unis, oĂč il nâest pas nĂ©cessaire de disposer dâun tel agrĂ©ment pour accorder des prĂȘts aux mĂ©nages, se lancer dans des dĂ©marches dâobtention de cet agrĂ©ment ?
Notre expĂ©rience de scale-up ayant obtenu lâagrĂ©ment dâEtablissement de crĂ©dit nous permet dâillustrer quatre explications Ă cette course effrĂ©nĂ©e aux agrĂ©ments bancaires. La premiĂšre est quâobtenir un agrĂ©ment dâEtablissement de crĂ©dit est le facteur le plus important de rĂ©assurance pour la clientĂšle dâune Fintech. Une Ă©tude rĂ©alisĂ©e par Younited Credit dĂ©montrait ainsi rĂ©cemment que pour 92% des demandeurs de crĂ©dit, le fait que nous soyons agréés Ă©tait un facteur de rĂ©assurance essentiel ; en comparaison, seuls 76% dâentre eux se disaient rassurĂ©s par le fait de voir nos publicitĂ©s Ă la tĂ©lĂ©vision, et 88% par le fait de savoir que plus de 100 000 clients nous avaient fait confiance. Ces chiffres sont Ă©tonnants et parfois contre-intuitifs, car on aurait pu penser que le demandeur dâun prĂȘt nâaccorde que peu dâimportance Ă la nature de la plateforme qui le lui octroie, et que seul lui importe le fait de recevoir le montant demandĂ© sur son compte en banque ! La seconde explication est stratĂ©gique : dĂ©tenir son propre agrĂ©ment Ă©vite de crĂ©er une dĂ©pendance forte Ă un partenaire bancaire qui serait agréé, et qui jouerait un rĂŽle central dans les processus de la Fintech. Câest ce que constatent Ă leurs dĂ©pens les plateformes leaders du crĂ©dit aux particuliers aux Etats-Unis et en Allemagne, pays oĂč existent des Ă©tablissements de crĂ©dit de taille moyenne qui leur « louent » un agrĂ©ment. TroisiĂšme explication : grĂące Ă lâUnion bancaire europĂ©enne et son mĂ©canisme de « passeport », lâagrĂ©ment dâEtablissement de crĂ©dit obtenu dans un pays europĂ©en est passeportable Ă prĂšs de 30 pays. Il est aussi complexe dâobtenir cet agrĂ©ment dans un premier pays europĂ©en, quâil est simple de le transposer au reste du continent. Il sâagit dâun point majeur car la Fintech dispose alors dâun terrain de jeu qui reprĂ©sente un marchĂ© de plus de 500 millions dâhabitants, significativement plus gros que les Etats-Unis ! Enfin, la derniĂšre raison a trait au dĂ©veloppement de nouveaux produits : lâagrĂ©ment dâEtablissement de crĂ©dit devient nĂ©cessaire dĂšs lors quâon veut Ă©tendre sa gamme de produit Ă dâautres services bancaires.
De la difficultĂ© pour une Fintech Ă se transformer en Banque ou Etablissement de crĂ©ditâŠÂ
LâagrĂ©ment dâEtablissement de crĂ©dit (ou de Banque) est ainsi un rĂ©el accĂ©lĂ©rateur de dĂ©veloppement pour les Fintechs qui lâont obtenu. Il nous paraĂźt nĂ©anmoins extrĂȘmement complexe de lâobtenir si les dĂ©marches ne sont pas initiĂ©es avant le lancement commercial de la sociĂ©tĂ©. En effet, ĂȘtre un acteur rĂ©gulĂ© demande une structuration des processus, la mise en place dâune organisation dĂ©diĂ©e (pour se conformer Ă lâensemble des rĂ©glementations), ainsi quâune culture interne de gestion des risques. Il est difficile de mettre en place ces Ă©lĂ©ments, si la sociĂ©tĂ© ne sâest pas dĂ©veloppĂ©e sur ces bases saines dĂšs le premier jour. Dâailleurs, Ă ce stade, plusieurs « licornes » – ou aspirant Ă le devenir Ă trĂšs court terme – de la Fintech mondiale (telles que Sofi aux Etats-Unis, Zopa et Revolut au Royaume-Uni) indiquent depuis quelques temps ĂȘtre entrĂ©es dans des dĂ©marches dâobtention de lâagrĂ©ment dâEtablissement de crĂ©dit ⊠sans que lâune dâentre elles nâait Ă ce jour obtenu le prĂ©cieux sĂ©same !
La France peut et doit reprendre le leadership sur lâattribution dâagrĂ©ments bancaires lourds, pour crĂ©er de futures licornes !
Ces tentatives dâobtention de lâagrĂ©ment dâEtablissement de crĂ©dit ou de Banque, de la part de Fintechs Ă©trangĂšres, nous rappellent que câest sur ce terrain aussi que la France doit agir si elle veut devenir la premiĂšre place europĂ©enne de la Fintech. LâAllemagne et le Royaume-Uni ont commencĂ© Ă attribuer â certes au compte-gouttes ! â des licences complĂštes de Banque ou dâEtablissement de crĂ©dit Ă des nouveaux entrants. En France, Younited Credit dans le domaine du crĂ©dit aux particuliers est agréée depuis 2011, et Margo Bank dans le domaine des services bancaires aux entreprises souhaite obtenir cet agrĂ©ment.
Mais deux agréments de Banque/Etablissement de crédit par décennie, cela ne suffit pas !
Il faudra bien dâautres nouveaux entrants agréés pour rĂ©ellement disrupter les acteurs traditionnels, et fournir aux consommateurs les nouveaux services de crĂ©dit et dâĂ©pargne quâils attendent. Entrepreneurs, investisseurs, rĂ©gulateurs et pouvoirs publics doivent travailler main dans la main pour augmenter le nombre de Fintechs obtenant en France ce prĂ©cieux agrĂ©ment.Â
Cet article fait partie d’une sĂ©rie de billets publiĂ©s dans le cadre de l’Ă©vĂšnement annuel organisĂ© par France Fintech : Fintech R:Evolution 2018, qui aura lieu le 10 Avril Ă Â Station F à Paris, sur le thĂšme âData Liberationâ. A partager, commenter et liker sur LinkedIn avec le hashtag #FFT18.

#85
“Brise le plafond de pierre” đ

Bilan mensuel des levĂ©es de fonds – FĂ©vrier 2021
45,3 M d’⏠levĂ©s pour 7 opĂ©rations