đ La blockchain : une rĂ©volution en toute sĂ©curitĂ© ?
Par Jonathan Herscovici, Blockchain entrepreneur et angel investor
Tribune publiĂ©e dans le cadre de notre Ă©vĂ©nement annuel #Fintech R:Evolution âą DESTINATION : EXCELLENCE đč âąÂ RDV mardi 9 avril 2019 – 12h30 – Station F #FFT19
Facebook Coin lancĂ© Ă lâĂ©tĂ© 2019, bullshit made in Zuck ou vraie innovation ?
Le New York Times a annoncĂ© fin fĂ©vrier que le âFacebook Coinâ serait lancĂ© dâici lâĂ©tĂ© 2019. L’objectif premier du âFacebook coinâ serait d’ĂȘtre utilisĂ©, Ă l’instar de Bitcoin, pour des paiements et des transferts de monnaie via les messageries WhatsApp et Messenger. Le cĂ©lĂšbre rĂ©seau social pourrait alors devenir la premiĂšre banque centrale totalement privĂ©e. Plusieurs questions restent Ă©videmment sans rĂ©ponses : Pourquoi utiliser une blockchain pour ce systĂšme Ă priori proche dâune solution centralisĂ©e comme celle de Paypal ? Facebook prendra t-elle la responsabilitĂ© des transactions et celle de l’identification des utilisateurs ? Cette responsabilitĂ© sera-elle dĂ©lĂ©guĂ©e aux plateformes dâĂ©changes de crypto-actifs (des discussions seraient dĂ©jĂ en cours) ? Quid des problĂ©matiques juridiques et rĂ©glementaires ? Quid de la protection des donnĂ©es personnelles ?

La seconde utilitĂ© de ce âFacebook coinâ serait dâassurer l’authentification des utilisateurs et cela afin dâoffrir une alternative plus sĂ©curisĂ©e Ă Facebook Connect, lâoutil qui permet aux internautes de se connecter sur d’autres sites grĂące Ă leur compte Facebook. L’idĂ©e Ă©voquĂ©e serait de permettre Ă l’utilisateur de mieux contrĂŽler les donnĂ©es partagĂ©es avec les sites tiers. Lâentreprise dirigĂ©e par Mark Zuckerberg qui traverse une importante crise de confiance suite au scandale de « Cambridge Analytica » est Ă la recherche de second souffle. En effet, Cambridge Analytica, cette sociĂ©tĂ© britannique, avait utilisĂ© illĂ©galement les donnĂ©es personnelles de plus 50 millions dâutilisateurs via le cĂ©lĂšbre rĂ©seau social. Ainsi, depuis ce scandale, Facebook est malmenĂ©e en bourse ; perdant dâailleurs plus de 114 milliards de dollars – lâĂ©quivalent de la valeur dâAxa et BNP Paribas rĂ©unit – en une seule journĂ©e ! Câest pourquoi, la protection et la sĂ©curisation des donnĂ©es personnelles est donc plus que jamais un enjeu majeur tant pour la communautĂ© des utilisateurs que pour les actionnaires. Pour preuve, la plateforme de messagerie Telegram – qui compte 300 millions d’utilisateurs – a dâailleurs choisi dâutiliser une solution cryptographique en chiffrant et en protĂ©geant le contenu des communications de ses utilisateurs, tout comme Whatsapp, la propriĂ©tĂ© de Facebook rachetĂ©e 22 milliards de dollars en 2014, qui a aussi adoptĂ© plus rĂ©cemment un chiffrement de bout en bout. Le fondateur de Whatsapp, Brian Acton, affirme nĂ©anmoins sans concession avoir âvendu la vie privĂ©e de ses utilisateurs pour un large bĂ©nĂ©ficeâ et dit Ă©galement avoir âfait un choix et un compromisâ et âvivre avec ça chaque jour.â
âFacebook Coinâ sera-elle la solution miracle pour sortir la sociĂ©tĂ© de cette crise ? On en saura plus dans quelques mois mais il est certain que cette annonce va remettre au premier plan lâutilitĂ© de la blockchain dans la sĂ©curisation des donnĂ©es et surtout permettre une adoption plus importante des crypto-actifs quâaujourdâhui.
Les promesses de la blockchain pour sécuriser les données et les informations
Pour rappel, la blockchain est un protocole informatique permettant de tenir en ligne une sorte de grand registre commun, infalsifiable et inaltĂ©rable. La blockchain la plus connue, et qui a inspirĂ© toutes les autres, est celle utilisĂ©e par Bitcoin. Trois rĂŽles principaux semblent pouvoir ĂȘtre assurĂ©s par cette technologie : la certification, lâidentification et la rĂ©alisation de transactions. La promesse centrale de cette technologie est lâimpossibilitĂ© dâaltĂ©rer une information ; leur authenticitĂ© est assurĂ©e par un procĂ©dĂ© cryptographique complexe. Â

Schéma synthétique de la définition de la blockchain (source EY)
Il peut sâagir de sons, dâimages, de photos, de documents, de monnaie ou dâobjets numĂ©riques⊠soit, tout ce qui peut ĂȘtre Ă©changĂ© sur Internet. Par consĂ©quent, sâil est impossible de fausser ou de modifier les informations Ă©changĂ©es, la confiance est ainsi restaurĂ©e – une fois que lâinscription dans le registre distribuĂ© a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© – ce qui favorise naturellement la transparence.
Le maĂźtre mot serait dĂ©sormais de promouvoir uniquement les blockchains publiques, par nature – thĂ©oriquement – profondĂ©ment dĂ©centralisĂ©es, oĂč aucun agent Ă©conomique ne pourra contrĂŽler le fonctionnement du systĂšme pour en dĂ©naturer lâutilitĂ© originelle. Une donnĂ©e inscrite dans la blockchain qui est indĂ©lĂ©bile ne doit pas ĂȘtre modifiĂ©e Ă posteriori. Bitcoin est, par exemple, une blockchain parfaitement dĂ©centralisĂ©e car il est impossible pour un acteur, aussi puissant soit-il, de modifier son consensus (Je ne parle volontairement pas de lâattaque Ă 51% qui est trĂšs peu probable sur Bitcoin selon moi). DĂ©sormais, de nombreuses startups cherchent Ă exploiter les possibilitĂ©s offertes par la blockchain Bitcoin pour fournir des preuves dâexistence ouvertes, interopĂ©rables, vĂ©rifiables par quiconque et ce sans passer par un tiers de confiance.
Sur le thĂšme de lâidentitĂ© digitale, la blockchain offre nĂ©anmoins la promesse dâun registre accessible Ă tous, dĂ©centralisĂ©, transparent et surtout parfaitement sĂ©curisĂ©. Evidemment, il nâest pas question de partager avec le grand public un registre dâinformations dâidentitĂ© lisibles par tout le monde. Mais il est nĂ©anmoins envisageable de fabriquer des procĂ©dĂ©s reposant sur le partage de donnĂ©es certifiĂ©es authentiques par un tiers de confiance, sĂ©curisĂ©es par leur propriĂ©taire et rendues indĂ©lĂ©biles et non modifiables par une technologie blockchain.
Finalement, cette technologie permettrait Ă la population de se rĂ©approprier leurs donnĂ©es personnelles de maniĂšre sĂ©curisĂ©e et transparente. Cette façon de concevoir lâidentitĂ© numĂ©rique permettrait aussi de se prĂ©munir contre une attaque mal intentionnĂ©e dâun hacker – il existe dâailleurs des solutions de bug bounty permettant de faire tester la robustesse dâun systĂšme dâinformatique par des hackers Ă©thiques – ou contre lâintervention directe potentielle des gouvernements au pouvoir.
Contrairement Ă une solution contrĂŽlĂ©e par un seul acteur, mal perçue par le grand public, une solution âblockchainisĂ©eâ prĂ©sente des avancĂ©es importantes en termes de protection de la vie privĂ©e et de la sĂ©curitĂ© des donnĂ©es personnelles. Dans ce systĂšme, aucun intervenant, exceptĂ© la personne concernĂ©e, nâaurait accĂšs Ă l’ensemble des informations. Il faudra nĂ©anmoins faire confiance Ă celui qui va accĂ©der aux donnĂ©es en bout de chaĂźne car c’est majoritairement dans leur utilisation que surviennent les abus que lâon voudrait Ă©viter.
Pour preuve de l’engouement actuel sur ce nouveau marchĂ©, le gĂ©ant de la tech Paypal vient dâinvestir au capital dâune startup qui dĂ©veloppe des solutions d’identitĂ© numĂ©rique. Cette sociĂ©tĂ© utilise la Blockchain pour crĂ©er un systĂšme dĂ©centralisĂ© afin de redonner aux clients le contrĂŽle de leurs donnĂ©es personnelles. Ce type de solution – que les institutions financiĂšres devraient utiliser massivement dans les prochaines annĂ©es – a pour objectif de simplifier le processus de connaissance client, le fameux KYC, tout en en amĂ©liorant l’expĂ©rience utilisateur et en se conformant aux exigences rĂ©glementaires de plus en plus strictes en matiĂšre de confidentialitĂ© des donnĂ©es (RGPD notamment).

Par ailleurs, aussi robustes que soient les technologies de la blockchain, elles sâappuient toutes sur un Ă©lĂ©ment fondamental : la dĂ©tention dâune clĂ© privĂ©e, seul moyen avec lequel il est possible de modifier, dâajouter de nouvelles informations ou encore dâen donner lâaccĂšs Ă un tiers. Une personne mal intentionnĂ©e pourrait, en utilisant la clĂ© privĂ©e du propriĂ©taire, dĂ©rober ses donnĂ©es personnelles pour les utiliser Ă sa place et rĂ©aliser des opĂ©rations en son nom. Le fait dâutiliser la blockchain pour sĂ©curiser lâidentitĂ© numĂ©rique permettrait de responsabiliser davantage la population. Câest la contrepartie logique de cette rĂ©appropriation des donnĂ©es personnelles.
Des systĂšmes existent dĂ©jĂ permettant de rĂ©unir dans un ID unique et sĂ©curisĂ© plusieurs documents administratifs : Carte vitale, permis de conduire, carte d’identitĂ©, passeport, etc. LâefficacitĂ© de ces initiatives pour les Etats nâest plus Ă dĂ©montrer surtout dans lâoptimisation du temps de la gestion des administrations – et donc une diminution de la dĂ©pense publique – qui plus est, extrĂȘmement simple Ă utiliser et surtout parfaitement sĂ©curisĂ©e. Câest dĂ©jĂ le cas en Estonie, oĂč lâidentitĂ© est entiĂšrement digitale Ă travers la âe-identityâ et oĂč 98% de la population utilise ce procĂ©dĂ© pour sâidentifier. Ainsi, ce petit pays dâEurope du nord qui compte tout de mĂȘme 1,3 millions dâhabitants a dĂ©cidĂ© d’utiliser la blockchain pour gĂ©rer les Ă©changes dâinformations avec les administrations publiques et les enregistrer de façon infalsifiable.
Pour conclure, l’avĂšnement de la technologie « blockchain » offre l’opportunitĂ© de rassembler deux concepts Ă priori contradictoires : la protection des donnĂ©es personnelles et lâadoption massive des nouvelles technologies. Il nâest pas certain que Facebook ait la mĂȘme approche Ă ce sujet !
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Retrouvez Jonathan Herscovici (@Jhersco) le 9 avril à  Station F lors de notre événement annuel Fintech R:Evolution avec pour thÚme cette année Destination : Excellence.