Services financiers : « le grand décloisonnement »

Jan 18, 2020 | Parutions

Article d’Alain Clot publié dans Finance Mag

 

« Au cours des “Trente glorieuses”, l’industrie des services financiers s’est structurée au sein d’une matrice à triple entrée : une segmentation de clientèle (particuliers, professionnels, entreprises), des “verticales” de métiers et de spécialités (financements, placements, services) et enfin une approche géographique (par pays voir par région). Le tout avec une démarche très propriétaire en matière de compétence et de produits. Cette matrice a permis aux grands acteurs de réaliser des gains de productivité et de spécialisation, tout en atteignant la taille critique dans chaque poche.

Mais se complexifiant toujours davantage, elle a fini par générer des coûts de structure élevés et une complexité pénalisant, tant les exploitants que les clients eux-mêmes.

Les services financiers innovants et les mutations sociétales modifient le schéma classique en profondeur et, ce, sur les trois axes.

Le mode linéaire “40 ans de salariat chez le même employeur” se dilue dans des parcours de plus en plus composites. Les millennials (ou “génération Y”) seront, dans leur vie professionnelle, alternativement ou parallèlement salariés, entrepreneurs, freelances, voire inactifs pour – on peut l’espérer-  de courtes périodes de transition.

Ils seront donc une matière extrêmement mouvante s’agissant de leur segmentation. D’ailleurs, ils n’acceptent plus de ne pas être appréhendés dans leur globalité (particuliers-entrepreneurs). Ils doivent donc, du point de vue de l’exploitation, être considérés globalement (vie professionnelle et vie privée).

Les métiers financiers classiques voient eux aussi leurs frontières devenir de plus en plus poreuses : les PME se financent avec des techniques de marché, le financement participatif est à la fois un service de prêt et d’investissement, les banquiers sont devenus assureurs et vice et versa, etc. D’une manière générale les acteurs dits “disruptifs” s’intéressent tout particulièrement aux espaces interstitiels, aux mélanges des genres et des spécialités. Cela s’applique tant aux techniques financières, qu’aux technologies (sciences cognitives et neurosciences, finance comportementale, etc.).

Une hybridation générale

La nouvelle finance transcende les frontières nationales. La finance classique est essentiellement domestique. Pour des raisons qui tiennent à la réglementation, la fiscalité et surtout la culture, les modes de consommation ont été jusqu’à aujourd’hui différents de pays à pays. De fait, il n’existe pas “d’usines” communes aux différents marchés de banque de détail, pas même au sein de l’Union Européenne. La fintech, centrée sur les usages numériques et l’expérience utilisateur tend à créer des modèles génériques mondiaux (paiements entre particuliers, crowdfunding, etc.). Elle se développe très largement à l’international à partir d’une plateforme centrale. Plus de la moitié des adhérents de France FinTech ont une présence dans plus d’un pays et les trois quarts ont un projet de développement international dans les douze mois.

Cette hybridation générale s‘applique du reste aux acteurs eux-mêmes. Les fintech sont très largement des intégrateurs de compétences diverses, n’hésitant pas, pour composer leur offre, à aller en chercher les ingrédients chez d’autres catégories de producteurs (banques, assureurs, entreprises de technologie, autres fintech, y compris concurrentes). Les fintech sont même parfois une sorte de R&D externalisée pour toute sorte d’entreprises.

Cette tendance est d’autant plus marquante que, dans cette deuxième époque de la finance innovante, les fintech, initialement centrées sur un service donné, une verticale, se transforment de plus en plus en plateformes diversifiées, en véritables néo-banques (et néo-assureurs).

La capacité des acteurs à échanger des compétences s’accroît sans cesse au fur et à mesure du déploiement des modèle “d’open banking” et de la généralisation des interfaces de programmation applicative (“API”) qui permettent de fluidifier l’exportation de savoir-faire.

Plus globalement, les frontières du système bancaire sont enfoncées de tous côtés. Bill Gates avait dit en 1994 en substance que le monde avait besoin de banque et non de banquiers. Formulation plutôt radicale – je ne pense que les banques disparaîtront – et en tout état de cause un peu prématurée. Il reste que les nouveaux consommateurs, les plus jeunes en particulier, dissocient de plus en plus les services bancaires de leurs fournisseurs traditionnels. S’invitent désormais dans le débat, les opérateurs de télécom, la grande distribution et bien sur les fintech. Les derniers venus, GAFAM et autres BATX sont sans doute les plus dangereux pour les tenants du titre. 

En somme, la banque sort de la banque…

Il en est de même en matière de distribution, domaine dans lequel la plus grande plasticité prévaut. Accords de distribution en marque blanche, B2B, B2B2C, etc.

Un melting-pot de talents

Enfin le décloisonnement le plus marquant qui caractérise l’univers des fintech est celui des talents.

Leur écosystème est le produit de la confrontation féconde des univers de la finance et de la technologie, sans oublier la réglementation. Il est aussi celui du “melting pot” d’innombrables origines géographiques et culturelles qu’on rencontre dans la plupart de nos start up. Pour ne pas sombrer dans un angélisme béat, soulignons que, si cette dynamique est productive, elle n’est pas facile à régler. Mentionnons aussi que l’équilibre que confère la mixité est très loin d’être acquis, puisque la part de fondatrices dans notre secteur n’est que de 10%, ce qui est franchement problématique.

Ce “grand décloisonnement” des territoires, des compétences, des clientèles n’est pas spécifique au secteur bancaire et assurantiel. Il déstructure et remodèle progressivement tous les compartiments de l’activité économique, culturelle et sociale.

Mais il revêt une acuité particulière dans les services financiers : ce métier est fort ancien, ses acteurs puissamment installés dans le paysage social, dépositaires de la confiance publique depuis des siècles. Ils impactent, en les finançant, tous les autres secteurs, ce qui les associent intimement au concept de souveraineté.

Cette problématique, ô combien centrale, sera le fil conducteur de “FinTech  R:Evolution” qui se déroulera le jeudi 23 avril jeudi 25 octobre prochain à Station F. »

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Source : Etude France Fintech x Arkéa x Roland BergerMixité dans la Fintech : où sont les femmes ? – Les propositions pour susciter des vocations plurielles

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